La difficulté principale pour les enfants est la maîtrise de la langue hongroise.
Benoît Giaux
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La Monnaie compte dans ses rangs un choeur d’enfants. Celui-ci, encadré et dirigé par Benoît Giaux, prendra part au concert Háry János.
Benoît Giaux, pouvez-vous nous raconter comment fonctionne le choeur d’enfants de la Monnaie ? Quel est le parcours ses participant(e)s ? Quelles sont vos méthodes de travail ?
Le travail avec un choeur d’enfants est certainement complètement différent du travail avec un choeur d’adultes. Certains membres de notre choeur découvrent pour la première fois le monde de la musique dite « classique ». Il faut certes qu’ils aient passé une audition pour prendre part aux projets, mais, à vrai dire, le plus important reste encore à explorer. Dans la découverte et l’apprentissage de la musique, la pratique du chant choral est une opportunité merveilleuse. La dynamique de groupe entraîne, stimule et motive mutuellement les participants. Ceux-ci découvrent collectivement et par la pratique tous les aspects de la musique. Ils font aussi – et ce n’est pas la moindre des choses – la découverte de leur propre voix, de leur instrument, ainsi que d’un ensemble de paramètres qui lui sont liés, comme la posture, la respiration, la manière de poser sa voix, etc. C’est pourquoi nous mettons progressivement en place toute une infrastructure visant à développer tous ces aspects : nous tenons à proposer une formation la plus complète possible qui ne laisse de côté aucune facette, pour que cette expérience musicale du chant soit la plus riche possible – le tout, bien sûr, en visant une qualité digne d’une maison d’opéra telle que la Monnaie et des oeuvres qui y sont programmées.
Le programme du concert associe les choeurs de Béla Bartók à une suite symphonique de Zoltán Kodály ; d’après vous, quel est l’apport de ces deux compositeurs à la musique chorale ?
Bartók et Kodály sont tous deux compositeurs et ethnomusicologues. Ils ont collaboré dès le début du XXe siècle en récoltant minutieusement les mélodies populaires de leur pays et au-delà, dans le but de créer un inventaire complet de la tradition hongroise, et inscrire ainsi dans l’histoire de la musique un répertoire magyar. Ces chants populaires ainsi récoltés ont ensuite été retranscrits en musique « savante » par ces compositeurs sous forme vocale, chorale ou instrumentale. La musique chorale hongroise est très riche et volumineuse grâce à leur impulsion. Bartók et Kodály sont également à la base d’un développement remarquable de l’éducation musicale des enfants de leur pays par le chant, comme en témoignent leurs nombreuses compositions pour choeurs d’enfants.
Quels sujets ou thèmes les pièces pour choeur de Bartók abordent-elles ?
Bartók a composé vingt-sept choeurs à deux et trois voix a cappella. Il en a extrait sept, pour lesquels il a écrit un accompagnement d’orchestre de chambre accessible à de jeunes musiciens. Les mélodies populaires qui servent de matériau à Bartók sont simples et rustiques et abordent des sujets divers. Cipósütes, par exemple, met en scène un nombre impressionnant d’animaux (de la puce à l’ours en passant par les poules et les chats) qui se fédèrent pour récolter le blé et cuire le pain. D’autres chansons, comme Ne menj el ou Bolyongas parlent de dépit amoureux et de mélancolie. Pour les interpréter, il ne faut pas y chercher une quelconque signification transcendantale, mais simplement être fidèle à l’esprit de restitution de mélodies populaires paysannes.
La difficulté principale pour les enfants est la maîtrise de la langue hongroise qui n’est pas une langue indo-européenne.
Comment décririez-vous le langage musical de Bartók dans ces choeurs ?
Le langage de base est simple puisqu’il reprend les mélodies populaires récoltées et demeure fidèle aux thèmes évoqués. L’accompagnement orchestral est également limpide et simple dans son expression des différents sentiments évoqués par les textes. La mise en oeuvre chorale est par contre plus audacieuse et reflète le génie de Bartók dans l’emploi que ce dernier fait de la polyphonie modale et du contrepoint. Tout en respectant la modalité originale, il provoque, par une polyphonie toujours renouvelée, des sonorités et des harmonies audacieuses à l’oreille, mais assez facilement chantables par les enfants, grâce à une ligne mélodique toujours simple et naturelle.
Quels enjeux ou difficultés ces pièces présentent-elles pour le choeur d’enfants et pour vous en tant que chef ?
La difficulté principale pour les enfants est la maîtrise de la langue hongroise qui n’est pas une langue indo-européenne. Les enfants doivent s’approprier petit à petit les sonorités spécifiques de cette langue et être capables de les restituer de la manière la plus naturelle possible. Il en va de même pour la musique, qui, bien que d’un style populaire, présente un langage assez moderne et inhabituel. L’enjeu pour le chef de choeur est par conséquent de faire aimer cette musique aux enfants en la leur faisant découvrir par étapes successives (notes, rythme, texte, prononciation, traduction, phrasé musical, vocalité, expression…) jusqu’à parvenir à une interprétation fidèle de l’oeuvre.