La Monnaie est le lieu par excellence où la tragédie est représenté.
Jorge León
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Mitra Kadivar est psychanalyste à Téhéran. En décembre 2012, elle envoie un SOS à un collègue français, Jacques-Alain Miller qui tente, par échanges de mails, de la faire libérer de l’hôpital psychiatrique où elle vient d’être internée. Dans son spectacle Mitra, basé sur cette correspondance saisissante, Jorge León croise le cinéma, l’opéra et la performance pour rendre compte du combat de cette femme pour être entendue.
Avec Mitra, nous sommes face à une figure féminine puissante, subversive…
Jorge León : L’éthique qui place chaque protagoniste dans une situation d’inconfort mais les enjoint à assumer leur engagement est un des axes forts de cette « histoire vraie ». Oui, Mitra est en passe de perdre mais elle ne perd pas son sang-froid et peut compter sur des solidarités pour la tirer d’affaire... Il ne s’agit pas d’un happy end pour autant, mais de proposer comme personnage d’opéra une femme « intraitable » – jusqu’au sens clinique du mot –, une femme qui assume son destin, qui a soif de justice et ne se place jamais en position de victime me paraît plus que jamais important.
La partition musicale et vocale est au centre de cette version scénique.
JL : Elle a été écrite par Eva Reiter et George Van Dam pour les parties chorales. Leurs compositions ont été enregistrées par l’Ensemble Ictus et six jeunes chanteurs de la MM Academy. Ce qui m’intéresse avant tout dans cette « transcription opératique », c’est de dépasser le présent de l’événement pour le déployer dans l’intemporel du mythe. De transformer un document prosaïque, une correspondance sur le net, en livret lyrique. De prolonger la portée des mots par l’amplitude du chant. Il ne s’agit en aucun cas d’une interprétation journalistique, documentaire de ces échanges, et en même temps la composition se nourrit d’éléments de la réalité de Mitra, de ses mots qui se transforment en arias. Il s’agit donc de créer les conditions idéales pour que le spectateur-auditeur perçoive au plus près l’impact des mots, tant au niveau du sens qu’ils produisent que de leur capacité à agir sensoriellement.
L’espace d’immersion que vous proposez au public combine son, texte, image et performance live.
JL : Le dispositif tente une circulation, un équilibre fragile entre ces diverses formes d’expression. Il met en tension la matérialité de corps, de voix sur scène et l’immatérialité que constituent les échanges digitaux, la musique spatialisée et les images projetées sur écrans. Sur scène, un corps hante l’espace, habité par une folie que le corps social tente de contenir derrière les murs des chambres d’isolement.