En mélodie on raconte toujours une histoire.
Natalie Dessay
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Le 28 avril, la soprano française Natalie Dessay donnera à la Monnaie un récital de chansons françaises et allemandes. Elle sera accompagnée par son pianiste attitré Philippe Cassard. Le programme se lit comme une série de portraits musicaux de femmes et est divisé en une partie allemande et une partie française.
« Portraits de femmes », un thème qui cadre bien avec l’actualité…
Ce n’était pourtant pas prévu : nous avons conçu ce programme il y a deux ans, sans lien direct avec les débats actuels. Il y a une telle foison de mélodies qu’on trouve toujours de quoi faire un programme.
Comment est née la collaboration avec votre pianiste Philippe Cassard ?
Il m’a appelée parce qu’il y avait des mélodies inédites de Debussy qu’il voulait absolument que je chante avec lui. J’ai d’abord refusé parce que je ne voulais pas faire de la mélodie. Je trouve cela très difficile en réalité. Cela demande énormément d’investissement et de temps pour construire un programme, l’apprendre, le répéter, le digérer.
J’ai besoin d’histoires, de choses à raconter. Quand un cycle traite en longueur d’oiseaux et de paysages, je m’ennuie…
Natalie Dessay
En effet, on vous connaît a priori pour vos rôles d’opéra. Comment abordez- vous l’art du récital ?
Je ne suis pas d’accord avec l’idée selon laquelle une mélodie serait comme un mini-opéra condensé en trois minutes ! Pour moi, la mélodie c’est autre chose, c’est un peu comme chanter de la chanson : il s’agit d’être au plus près des mots, dans une sorte d’intimité avec le poème et l’auditeur. En mélodie, on raconte toujours une histoire, mais on incarne assez rarement un personnage. C’est « soi-même » qui parle ; c’est Natalie qui raconte, qui dit le poème. Il se trouve qu’il est en musique, mais il pourrait être sans. Chanter pour chanter ne m’intéresse pas. Cela ne m’a jamais intéressée à l’opéra, cela ne m’intéresse pas plus dans le lied ou la mélodie.
De quoi avez-vous besoin ?
J’ai besoin d’histoires, de choses à raconter. Quand un cycle traite en longueur d’oiseaux et de paysages, je m’ennuie… J’ai du mal avec les descriptions en général, et avec les chansons à couplets. Parce qu’interpréter six fois la même chose, cela ne m’intéresse pas. J’ai envie de mélodies durchkomponiert (mélodies continues), en français comme en allemand. De quelque chose qui avance. J’ai d’ailleurs souvent plus de mal avec les textes mis en musique en français parce que, pour moi, tous ne sont pas toujours intéressants.
Quant aux Alte Weisen de Pfitzner, ils annoncent un autre ton…
Les Pfitzner, je parie que très peu de gens les connaissent. C’est un cycle qui n’est pratiquement jamais chanté. Mais il vaut vraiment la peine ! Les poèmes sont de Gottfried Keller, un poète suisse-allemand, et forment un cycle très étrange, avec une écriture pianistique très raffinée, des ornements inattendus, et surtout, c’est une femme qui parle, ce qui est assez rare aussi. Il est extrêmement difficile pour moi de parler de musique, je n’y arrive pas. Je sais la faire, je ne sais pas en parler. À part vous dire « C’est beau, venez ! »