Un chanteur, une mélodie
Werner Van Mechelen
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Pour vous, quelle est LA mélodie ? Quelles seraient les quelques minutes de poésie chantée que vous emporteriez sur une île déserte, que vous sauveriez d’un incendie, ou que vous tireriez de l’oubli ? Telles sont les questions que nous avons posées à Werner Van Mechelen.
Nocturne...
Werner Van Mechelen: « Choisir un seul morceau du programme de récital que nous présentons à la Monnaie avec Tineke Van Ingelgem, voilà qui n’est vraiment pas facile. Ne serait-ce que parce que, dans notre sélection de chansons et de duos de César Franck et de ses contemporains, nous nous sommes d’abord laissé guider par nos coups de cœur. Toutefois dans ce florilège se trouve le morceau de Franck qui m’accompagne depuis mes années d’études, à savoir son Nocturne pour voix et piano (FWV85) de 1884. Cette mélodie figurait au programme de mon examen final à l’Institut Lemmens. »
Le poème
Nocturne
Ô fraîche Nuit,
Nuit transparente,
Mystère sans obscurité,
La vie est noire et dévorante
Ô fraîche Nuit,
Nuit transparente.
Donne-moi ta placidité.
Ô belle Nuit,
Nuit étoilée.
Vers moi tes regards sont baissés.
Éclaire mon âme troublée,
Ô belle Nuit,
Nuit étoilée,
Mets ton sourire en mes pensers.
Ô sainte Nuit,
Nuit taciturne,
Pleine de paix et de douceur.
Mon cœur bouillonne comme une urne.
Ô sainte Nuit,
Nuit taciturne,
Fais le silence dans mon cœur.
Ô grande Nuit,
Nuit solennelle,
En qui tout est délicieux,
Prends mon être entier sous ton aile.
Ô grande Nuit,
Nuit solennelle,
Verse le sommeil en mes yeux.
« Tout au long de ma carrière de chanteur, j’ai toujours eu une préférence pour les mélodies amples et d’envergure sur un tempo plutôt lent. C’est peut-être là une manifestation de mon inclination pour les opéras de Richard Wagner... Ce Nocturne est justement une mélodie de ce type. Son texte, du critique français et historien de la musique Louis de Fourcaud, est une grande glorification de la nuit. On peut y déceler l’influence du romantisme nocturne allemand : l’Umwertung (la nouvelle perception) des qualités de la nuit que l’on retrouve dans l’œuvre de Novalis et ensuite, par exemple, dans le Tristan de Wagner. Fourcaud était – ce n’est pas une coïncidence – un collaborateur de la Revue wagnérienne.
Avec son sens du mystère, Franck rend justice à cette thématique dans sa musique, à sa manière : il évoque magnifiquement le mysticisme insaisissable, l’aspiration de l’homme à la purification « du cœur et de l’esprit » et, finalement, à la paix.