Short & Sweet
Avec Julian Prégardien
- Temps de lecture
- 5 min.
À l’occasion du récital donné en février à la Monnaie par Christoph et Julian Prégardien, nous avons demandé à ce dernier de se livrer à un petit questionnaire à la Proust de notre cru…
Si vous étiez dans une pièce en compagnie des compositeurs figurant dans le programme de votre récital à la Monnaie, quelle serait la première question que vous leur poseriez ?
Qu’est-ce que vous voulez boire ?
Quels seraient les trois premiers adjectifs que vous utiliseriez pour décrire ce programme ?
Harmonieux, profond et diversifié.
Quand vous chantez, y-a-t-il un geste particulier que vous faites souvent ?
Oui, j’en ai bien peur. Tendre ma main droite devant moi et dessiner une forme de coupe dans l’air avec mes deux mains.
Y-a-t-il un rituel que vous devez impérativement faire avant de monter sur scène ?
Pas vraiment. Je préfère marcher que rester assis. J’aime éprouver un sentiment de pureté et d’ouverture quand je monte sur scène.
Si vous pouviez revire un moment de votre carrière professionnelle en tant que chanteur, lequel choisiriez-vous ?
Le début de Die Zauberflöte, « Zu Hilfe, sonst bin ich verloren » , au Staatsoper de Berlin le 17 février 2019, où j’arrivais sur scène en volant depuis les cintres.
D’après votre famille, vos collègues ou vos amis, quel est votre principal trait de caractère ?
J’espère qu’ils disent de moi que je suis toujours prêt à les soutenir.
Quel est le premier morceau de musique qui vous a fait pleurer ?
Si je me souviens bien, c’était le « Und ging heraus und weinte bitterlich » de la Passion selon Saint Mathieu de Bach, chanté par mon père à Amsterdam avec le Concertgebouw. Et le plus récent était la Danzón No 2 d’Arturo Márquez interprétée par The Impossible Orchestra.
Quelle profession, en dehors de la vôtre, souhaiteriez-vous entreprendre ?
Gestion d’une institution culturelle ou avoir mon propre restaurant.
Que ramèneriez-vous d’un voyage dans le passé ?
Des langues, des comportements, la curiosité pour l’inconnu et l’inexploré, les correspondances par la poste et l’attente d’une réponse qui les accompagne. Le sentiment du temps qui passe. Et les voyages ! La musique uniquement jouée en direct qui était, la plupart du temps, contemporaine !
Quelles sont vos inspirations parmi les chanteurs d’hier et d’aujourd’hui ?
J’écoute peu de musique. Le plus bel enregistrement récent de l’œuvre de Schubert que j’ai écouté était chanté par Daniela Sindram, ma collègue à la Musikhochschule de Munich.
Quel est le dernier morceau de musique que vous ayez écouté ?
An die Ferne Geliebte de Beethoven interprété par Georg Nigl avec Olga Pashchenko au piano. Un miracle !
En dehors de la musique, quels sons aimez-vous entendre ?
De l’eau qui ruisselle, des oiseaux qui chantent, du vent dans les arbres…
Quelle est la première chose à faire quand vous commencez à travailler sur un récital ?
Définir une idée. Pour le dernier en date, par exemple, tout est parti des plus longs lieder de Schubert.
Quelle qualité distingue selon vous un récital d’autre performances vocales ?
La dramaturgie. Peu importe s’il s’agit d’un voyage émotionnel, d’une approche intellectuelle ou d’une démarche intermédiaire. Il peut y avoir beaucoup de contrastes et de styles musicaux en tout genre, mais il faut une idée qui unifie l’ensemble de votre sélection, même si ce n’est qu’une intuition partagée entre le chanteur et le pianiste.
À quelle activité quotidienne peut-on comparer un récital ?
Une méditation de groupe ou bien un voyage vers une destination familière ou complètement nouvelle, et parfois les deux à la fois.
Est-ce que vous préféreriez terminer votre carrière prématurément avec le récital parfait ou continuer à chanter professionnellement pendant de longues années sans jamais atteindre cette perfection ?
Honnêtement, je n’en ai pas la moindre idée. Je n’y ai jamais réfléchi. Mais je sais que je resterai heureux après la fin de ma carrière de chanteur.
Quel est le premier récital auquel vous ayez assisté ?
Sans aucun doute un récital de mon père. J’ai le souvenir vague d’une église où résonnait Die schöne Müllerin avec Andreas Staier au piano. Je me rappelle bien la première chanson que mon fils ainé a entendu chantée en direct par mon père : An Schwager Kronos ; et le premier de mes récitals qu’il est venu voir : Dichterliebe avec Eric le Sage. Donc, n’hésitez pas à poser la question à mon père… Il devrait le savoir !
Chanter la première ou la dernière note d’un récital, quel est votre choix ?
La dernière.
En dehors de celui ou de celle avec qui vous travaillez actuellement, par quel autre grand pianiste du passé aimeriez-vous être accompagné ?
Par les compositeurs eux-mêmes. Et par Clara Schumann !
Quels sont vos héros ou héroïnes de fictions ? Quels sont vos héros ou héroïnes dans la vie de tous les jours ?
Ma mère et mon père sont tous les deux mes héros. Ma partenaire est aussi une héroïne à mes yeux. En fiction je dirais, Narcisse et Goldmund du roman éponyme d’Hermann Hesse, Léon dans Léon et Louise d’Alex Capus, Augustin dans Le Grand Meaulnes d’Alain Fournier, Andreas Egger dans Ein ganzes Leben de Robert Seethaler et Don Ottavio dans Don Giovanni de Mozart et Lorenzo da Ponte.