Ut Pictura Musica
Tableaux d’une exposition de Moussorgski
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Lors du concert Beethoven Ouverture, Alain Altinoglu dirige une des suites les plus iconiques de la musique russe. Tableaux d’une exposition de Modeste Moussorgski est une œuvre qui met en avant le pouvoir de l’imagination, le sens de la couleur et de la texture de l’Orchestre de la Monnaie.
Un grand banquet musical
Le 4 août 1873, l’architecte et peintre russe Viktor Hartmann meurt. Sa disparition soudaine et prématurée à l’âge de 39 ans à peine provoque une onde de choc dans le monde culturel russe et en particulier dans les cercles artistiques qui avaient trouvé en lui un ami et un partisan d’un « art authentiquement russe », libre de toute influence occidentale. Six mois plus tard, le puissant critique Vladimir Stassov organise une grande exposition rétrospective en hommage à Hartmann, réunissant plus de 400 œuvres, dessins, tableaux, esquisses... L’exposition, à laquelle Modeste Moussorgski prête deux œuvres de sa collection personnelle, l’impressionne au point de vouloir transposer cette expérience en musique. Ce qu’il concrétise en juin 1874 : il entame la composition d’une promenade musicale à travers l’exposition où le visiteur-auditeur fait halte devant dix différents œuvres de Hartmann. Ce projet l’accapare entièrement : « Les idées, les mélodies se présentent comme lors d’un grand banquet musical – je goûte, je déguste, jusqu’à frôler l’indigestion. J’ai à peine le temps de tout coucher sur le papier. » Finalement, il achève la partition, une suite de seize pièces pour piano, dans une fièvre créative qui aura duré vingt jours. Connue comme l’un des morceaux de bravoure de l’œuvre pour piano de Moussorgski, cette suite est aussi l’une des plus difficiles à interpréter. Ce sont cependant les versions orchestrées qui lui valent sa grande popularité, en premier lieu celle de Maurice Ravel de 1922, présente sur les pupitres des musiciens de ce concert.
Flâner de toile en toile
La cohésion de cette œuvre à la structure libre et épisodique est donnée par le thème d’ouverture, « la promenade », qui illustre le pas parfois assuré, parfois traînant d’un visiteur et l’emmène d’une œuvre à l’autre à travers les diverses variations. Ces œuvres sont très variées : outre son activité de peintre, Viktor Hartmann était également architecte et concepteur et dans sa sélection, Moussorgski a aussi intégré des esquisses de costumes et des études architecturales. Des dix tableaux et dessins qu’il a mis en musique, il n’y en a que cinq dont nous connaissions l’apparence. Pour les cinq autres, la fantaisie de l’auditeur est uniquement nourrie par le titre et une brève description de Vladimir Stassov.
Les dix tableaux