J’admire la programmation avant-gardiste de la MonnaieCharles Peugeot
Quel est votre premier souvenir à la Monnaie ?
Charles Peugeot (CEO de DS BELUX) : Mon premier souvenir remonte au moment où je suis arrivé en Belgique pour y monter la marque DS Automobiles ; un ami que Peter de Caluwe et moi avons en commun m’avait fait la surprise de m’emmener à la Monnaie. Nous y avons assisté à un très agréable récital de Christianne Stotijn et, par la suite, Peter nous a fait découvrir les coulisses où était monté le décor de Barbe-Bleue, puis nous a raconté toute l’histoire des Ateliers. Nous avons fini la soirée en dînant dans un restaurant voisin, avec la mezzo-soprano et toute l’équipe. C’était un moment privilégié et formidable.
Quel est le dernier opéra ou concert qui vous a ému aux larmes ?
C’est le Requiem de Mozart que j’ai vu à Salzbourg. Cette œuvre fait partie de ce genre de musique qui laisse sans voix, transporte, et cette interprétation m’a énormément marqué.
Avez-vous chanté dans une chorale ou joué d’un instrument de musique ?
Je n’ai pas chanté dans une chorale, même si j’aime chanter. Pour ce qui est de jouer d’un instrument, je me suis essayé à la guitare, mais malheureusement je n’arrive pas à faire les connexions entre les partitions et la mécanique. C’est certainement quelque chose d’instinctif, d’intuitif. Enfant, mes parents m’ont fait entendre toutes sortes de musique, et c’est devenu une passion. L’exercer, non, mais l’apprécier, oui.
Qu’est-ce qui rend la Monnaie si spéciale pour vous ?
Ce que je trouve absolument remarquable à la Monnaie, c’est cette programmation avant-gardiste ; je pense que c’est le bon terme pour décrire le choix toujours audacieux des opéras qui sont produits ici. Et ce que je trouve également admirable, c’est la création des costumes réalisée ici et qui est toujours particulièrement pertinente. Ce sont notamment ces éléments qui font la réputation internationale de cette maison d’opéra.
L’opéra est-il une forme d’art ultime – ou pas – pour vous ?
Ce qui me touche énormément dans l’opéra, c’est cet instant de partage exclusif entre l’audience et les interprètes. Je me suis toujours dit qu’il faut faire honneur aux interprètes en les écoutant avec respect et en cherchant toujours à comprendre ce qu’ils ont souhaité transmettre. Ce qui me plaît, c’est que c’est une performance non seulement auditive mais aussi visuelle, globale, qui tire vers le haut ; c’est un instant de grâce à travers lequel le directeur, la troupe et les interprètes ont souhaité proposer quelque chose de très fort et que l’on peut apprécier sous différents niveaux de lecture.
Pourquoi les jeunes devraient-ils aller à l’opéra ?
Les jeunes doivent se rendre à l’opéra, car je pense qu’ils pourraient avoir la très bonne surprise de découvrir que c’est un art capable de s’inscrire dans son temps, un art qui – avec le regard tellement contemporain d’un certain nombre de metteurs en scène – pourrait même leur donner l’impression de regarder un très bon film, comme sur Netflix. Ils seraient surpris de constater qu’on peut regarder un opéra comme on regarde un film, en étant sous tension pendant deux heures, et en se faisant emporter par une histoire qui peut aller très loin. Il faut en tout cas se convaincre que l’on peut se faire surprendre.
Comment voyez-vous le rôle de la culture dans notre société actuelle ?
Pour moi, la culture est un élément fondamental de ce qui fait notre société et ce qui nous fait qu’en tant qu’êtres humains. On aspire à quelque chose de plus grand, qui nous dépasse, qui nous rejoint. La culture fait partie de ces fondamentaux qui nous rassemblent, qui nous incitent à la découverte de l’autre, c’est un registre qui nous permet de prendre de la hauteur et du recul par rapport à la société et ce qu’il s’y passe, mais aussi qui nous pousse à prendre parti, à dénoncer avec une certaine grandeur d’esprit. La culture permet de toucher un grand nombre de personnes et de leur proposer une lecture différente : l’art et la culture sont des moyens très forts pour exprimer des sentiments sur ce qu’il est en train de se passer, bien plus que des rédactions poussives et rapides sur les réseaux sociaux. En ce sens, je pense que c’est une forme d’expression capitale, qui fait partie de ce que nous, en tant qu’êtres humains, sommes capables d’apporter de mieux à la société et qui reste après notre court passage sur Terre.
Quel est votre endroit préféré à la Monnaie ?
C’est la scène ! Quand on regarde l’édifice de la Monnaie et la façon dont il est construit, on voit que globalement c’est tout un espace qui a été pensé au service de la scène. Ce qui est magique, c’est qu’en fin de compte tous les différents endroits de la Monnaie sont ici en soutien à la scène et permettent aux spectateurs et aux interprètes de se rencontrer : c’est le lieu de la bataille, de la rencontre, de la performance, de la lumière…
Quel serait l’opéra que vous sauveriez pour l’éternité ? Et pourquoi celui-là ?
Si je ne devais en garder qu’un seul, ce serait Die Zauberflöte de Mozart. La raison pour laquelle je le garderais c’est que c’est quelque chose de populaire. J’aime l’idée que s’il fallait garder quelque chose, il faudrait que cela puisse parler à tout le monde. Die Zauberflöte fait partie de ce genre de créations magiques qui s’adressent à tous, aux enfants comme aux grands. Je pense que cette œuvre peut toucher toute sorte de gens et c’est donc une manière d’emmener et de fédérer le plus grand nombre vers quelque chose qui est, en fin de compte, très simple, mais à la fois très édifiant.
Qui incarneriez-vous dans l’opéra de votre propre vie ?
Si le choix m’appartient, je pense que ce serait un rôle dans un opéra de Wagner et, peut-être, sans prétention mais plutôt avec l’idée de faire partie d’une grande aventure, le rôle de Siegfried.